Peut-être avez-vous entendu parler du « mystère de la chambre jaune »… Eh bien, celle-ci est noire et n’a rien à voir avec un roman policier : il s’agit d’une boîte quasiment close qui permet de faire des expériences d’optiques étonnantes. Elle a même équipé les premiers appareils photographiques, avant que ceux-ci soient munis d’un objectif. Et elle illustre parfaitement le principe du parcours rectiligne de la lumière.
Fiche d’accompagnement de l’expérience:
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une boîte en carton ou un tube
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du papier calque
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du ruban adhésif
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un diaphragme à iris récupéré sur un viel appareil photo
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à défaut du diaphragme, plusieurs morceaux de carton percés d’un trous de diamètre différents
Découper le fond d’une boîte en carton pour le remplacer par un morceau de papier calque transparent.
Placer, à l’opposé de l’écran constitué par le papier collé sur le fond de la boîte, une lampe à filament de carbone porté à l’incandescence qui constituera notre objet lumineux.
La lumière émise par la lampe pourra pénétrer à l’intérieur de la boîte grâce à un diaphragme que nous avons fixé sur la boîte après y avoir percé une ouverture circulaire.
Le diaphragme nous permettra de faire varier le diamètre du trou circulaire par lequel la lumière pénétrera dans la boîte.
La boîte que nous venons de décrire s’appelle un sténopé.
Observer alors l’image du filament sur le papier calque lorsque le diamètre du diaphragme est très petit.
L’image est peu lumineuse, elle est bien définie et elle est renversée.
Si nous augmentons le diamètre du trou circulaire, l’image devient plus lumineuse mais également plus floue tout en restant inversée.
Si nous diminuons à nouveau le diamètre du trou l’image est à nouveau mieux définie.
En effet, sur le schéma, nous voyons que l’image du filament se construit à partir des rayons émis par le filament et dont l’ensemble est plus ou moins sélectionné par le trou circulaire.
Plus celui-ci est petit plus à un point source du filament correspondra sur l’écran une tâche lumineuse de faible diamètre
et plus le trou circulaire aura un diamètre important et plus de rayons ayant des inclinaisons différentes seront autorisés à atteindre l’écran pour donner des tâches lumineuses de diamètre de plus en plus grand conduisant à un flou de l’image.
Lorsque la largeur du trou diminue, la netteté des images augmente mais la luminosité diminue. C’est la raison pour laquelle il est préférable d’observer des objets bien éclairés lorsqu’on veut obtenir une image nette avec une ouverture faible. Il est également utile d’assombrir la pièce afin de limiter la lumière ambiante diffuse qui rendrait encore moins distinctes les images peu lumineuses.
La perte de luminosité n’est pas le seul phénomène qui limite la diminution de la taille du trou, la diffraction augmente également lorsque le diamètre du trou diminue.
Le diamètre optimal du trou est, selon Gobrecht :
( : longueur d’onde de la lumière ; l : distance entre le diaphragme et l’écran).
Cela donne une valeur d = 0,187 mm pour une lumière de longueur d’onde moyenne (580 nm) et une boîte en carton de longueur l = 12 cm.
Si l’on fait varier la distance de la source lumineuse à l’écran on peut constater que la taille de l’image observée évolue également en fonction de la distance du filament à l’écran.
Il est aussi possible de construire la chambre noire à partir d’un rouleau de carton ou d’une boîte à chaussures. On peut y apporter des améliorations permettant de faire des photos en négatif (qui seront renversées). Il suffit pour cela de pouvoir obturer le diaphragme et de placer du papier photo devant l’écran dépoli.
Si l’on prend la chambre noire pour faire l’image d’un objet dont la distance au trou est connue, il suffit de mesurer la taille de l’image pour en déduire la taille de l’objet en utilisant les propriétés des triangles semblables. On peut ainsi déterminer le diamètre du Soleil si l’on connaît la distance Terre-Soleil.
On peut prendre des images d’objets situés dehors si l’on dispose d’une pièce dans laquelle on peut faire le noir et qui ne laisse entrer la lumière intense d’un jour d’été que par un petit trou dans les volets. On utilisera une feuille de papier comme écran dépoli. La pièce est en elle-même la « chambre noire », dans laquelle on peut se déplacer.
Dans un bâtiment annexe du « Old Royal Observatory », à Greenwich près de Londres (c’est par la coupole de cet observatoire que passe le méridien 0), on trouve une « version de luxe » d’une telle « camera obscura » (littéralement : pièce noire), à savoir une pièce jouant le rôle d’une longue-vue. A l’intérieur de ce bâtiment se trouve une pièce circulaire, et au centre de cette pièce un grand plateau blanc posé sur une table.
Un miroir incliné est situé au-dessus d’un trou aménagé dans la coupole, juste à la verticale de la table, et pourvu d’un système de lentilles. Ce dispositif permet de projeter sur la table l’image de ce qui se passe dans une rue située à quelques centaines de mètres de là.
Depuis cette pièce, on peut donc observer tranquillement et à leur insu des automobilistes bloqués dans les embouteillages aux heures de pointe et qui se grattent le nez ou bien des couples d’amoureux qui se câlinent en marchant.
Anecdote :
Mais attention ! Selon [Glass 1995], « Un auteur français du XVIIème siècle raconte qu’une camera obscura avait été construite tout près d’un parc réputé pour abriter les effusions de jeunes couples d’une moralité douteuse. Des visiteurs distingués payaient pour accéder à cette camera obscura d’où ils observaient en projection sur le mur les images des événements licencieux qui se déroulaient sous les arbres et dans les fourrés. L’objet de la surprise de ces visiteurs ne se limitait pas à ce qu’ils voyaient : ils s’étonnaient également que de telles observations soient possibles car ils ignoraient que la propagation rectiligne de la lumière permet de réaliser une image au moyen d’un simple trou. Les visiteurs ignoraient également deux choses : d’une part, que la plupart des aventures amoureuses qu’ils observaient avaient été mises en scène par les exploitants de la camera obscura et, d’autre part, qu’ils se faisaient délester de leur portefeuille pendant que leur attention était captée par les scènes excitantes qu’ils voyaient. ».